Affalée dans mon lit, entourée par mes cours imprimés en vue des partiels, je sens mon portable qui vibre dans ma poche.
D’une main distraite, je le sors.
Un mail.
J’ouvre ma boite pour vérifier que ce n’est pas du spam.
Ce ne fut pas le cas.
« Bonjour Cerise,
Je m’occupe du développement d’une société de production et nous aurions aimé vous rencontrer
Pour parler de l’éventualité de faire une adaptation cinématographique de votre blog.
Je vous demande de garder la plus grande discrétion quand à cette demande.
En vous souhaitant une très bonne année 2012
Bien à vous. »
Je me redresse immédiatement. Je prends mes lunettes sur ma table de chevet et relis de nouveau. Oui, j’avais bien lu.
« OhmygodOhmygodOhmygodOhmygodOhmygodOhmygod »
Je marmonne. Je soupire. Je respire.
Je me jette sur mon fixe et j’appelle mes parents. Je crie, je hurle au téléphone.
J’appelle Mr Muscade. J’appelle Mlle Myrtille. J’ai failli appeler Mr Ananas.
Enfin, j’appelle mon oncle qui est aussi mon webmaster.
« Cerise, pourquoi tu m’appelle moi, en fait ? »
« Comment ça ?! »
« Pourquoi tu ne la rappelle pas? Elle t’a laissé son numéro non ? »
« ….Oui. »
Oui. C’est vrai.
Je raccroche et je retiens mon souffle pour me calmer. Je veux à tout prix avoir l’air détachée.
Je compose le numéro et laisse la tonalité s’écouler.
« Allô ? »
« Oui, bonjour c’est Cerise. Vous m’avez envoyé un mail donc je vous rappelle pour en savoir un peu plus. »
« Ouii ! Merci beaucoup de me rappeler si vite ! Alors nous aimerions tourner un film sur la base de votre blog et votre rapport avec la jeunesse dorée. Serait-il possible de nous rencontrer ? »
Je fais celle qui est overbookée sur près de 2 semaines…
Elle insiste.
Le soir, le midi, avant ma journée de travail, une trentaine de minute vers 10h…
Je finis par lui dire que je peux me libérer le lendemain vers 17h. Parfait pour elle.
Rendez-vous donc dans leurs bureaux sur les champs à 17h30.
Le lendemain, je sors plus tôt du travail. Je suis un peu anxieuse. C’est normal me direz-vous.
Mais surtout parce que depuis que je ne suis plus avec Mr Goyave et que je ne fréquente plus les Cocktails, j’ai du mal à me rendre sur les champs.
Ce soir-là, je marchais le long des rues que j’avais fréquentées assidûment.
Je passe devant le Champs Elysées Plaza comme si je n’y étais jamais rentré.
Alors que 3 ans auparavant, je titubais imbibée d’alcool aux cotés de Mr Goyave dans ce hall au marbre si brillant.
La sensation d’avoir vécue deux vies m’envahit de nouveau.
D’un mouvement de tête, je chasse ces idées.
J’arrive enfin devant l’immeuble.
Sur les plaques à l’entrée, je vois que l’agence se trouve au premier étage.
Appartement feutré du 8e. Moquette rouge et épaisse dans le hall.
Anciens ascenseurs qui ne m’ont jamais inspirés confiance.
Je toque à la porte et je rentre immédiatement comme spécifié par une petite plaque.
La standardiste est immédiatement à l’entrée.
Regard hautain.
« Vous avez rendez-vous ? »
« Oui avec Mme Aubergine. Je suis un peu en avance. »
« Elle est en casting. Elle vous reçoit dans quelques minutes. Asseyez-vous sur les fauteuils. »
Petit sourire.
Je m’assois et regarde autour de moi. L’agence est relativement petite. Des posters et affiches de films ornent les murs.
« Mademoiselle Cerise ? Bonjour c’est Mme Aubergine ! »
Une femme me fait face et me tends la main. Je lui souris et me lève de mon siège en lui serrant la main à mon tour.
« Enchantée. Suivez-moi dans mon bureau ! »
Spontanément, j’ai déjà du mal.
Elle dégage quelque chose de très hautain, un rien condescendant. Elle est hyper lookée : des boots Minelli bleu marine, un slim Levis et un pull bleu marine en cachemire suffisamment moulant pour y mettre un lourd entrelacs de sautoirs en argent sans que cela fasse vulgaire. Bagues, montre, bracelet et Iphone à la main.
J’ai vraiment du mal.
« Tu veux boire quelque chose ? »
Entre la salle d’attente et le bureau, elle avait visiblement décidé de me tutoyer. Ok.
Je décline l’invitation. Je veux en venir au fait.
Elle s’assoit en face de moi et prend un stylo et me lance :
« Je t’écoute ! Parle-moi de toi ! » lance-t-elle d’un air « je-travaille-dans-le-showbiz-j’ai-pas-le-temps »
Etrange.
« Vous m’écoutez ? Vous m’avez contactez pour je ne sais plus quelle raison à propos d’un film (Comme si j’avais mille trucs en tête moi aussi !) alors je pense que c’est plutôt à vous de me parler de vous, il me semble. »
Elle rit un instant et me réponds :
« Oui… En effet ! Alors on cherche des idées pour faire un film sur le sujet des écoles privées… Ouais, on était plutôt partis sur ça. Alors on a demandé à quelqu’un de faire des recherches et il vous a trouvé… Il vous adore hein ! Mais je dois avouer que moi je n’ai lu qu’un ou deux articles hein… Mais je vais m’y attelez hein… Ahaha ! »
Bon d’accord.J’essaye de garder mon calme.
« Donc vous avez fait combien d’années dans cette école privée ? »
Donc je lui explique les grandes lignes de ma vie. J’essaye de ne pas donner véritablement de détails. Je décris plutôt l’ambiance générale de ce milieu-là. Ce milieu que j’ai fréquenté sans en faire partie.
Elle me coupe soudainement :
« Ah donc tes parents ont beaucoup d’argent ? »
Ça me cloue sur place. Il y a des manières de le demander. Je ne savais pas comment répondre.
« Disons qu’ils n’ont pas de problèmes financiers… »
« D’accord ! Et donc tu es tombée amoureuse d’un mec là-bas, si j’ai bien compris ? »
Son regard se fait un peu méprisant. Dans sa bouche, ça paraissait presque ridicule.
Elle cherchait du cliché.
Rien de plus.
Donc je continue de lui parler, sans grande conviction. Je sens déjà que quelque chose ne va pas.
« Ouais… »
Elle passe la main dans ses cheveux en fermant les yeux. Soupir.
« Nan… Mais là, je ne vois pas trop comment on peut en tirer un film…ou un scénario…Ya rien qui tient… Ou qui pourrait faire office de scénario valable. »
Elle me contacte, tient à me voir le plus rapidement possible et me dit ensuite qu’elle ne sait pas quoi faire de moi. Le tout avec toujours un air supérieur.
« Oui… Enfin, après… C’est plus mon problème. »
Faut pas pousser, n’est-ce pas ?
« Très bien… Je vais en parler au producteur et faire appel à un scénariste pour voir si il y a quelque chose qu’on peut extraire… Et puis on te recontacte. »
Elle se lève et fait mine de me mettre dehors.
« Je vous laisse ma carte et je vous recontacte. »
On sort de son bureau et elle m’accompagne à la porte de l’agence.
« Au revoir et merci encore ! »
Début de l’entretien : 17h00.
Fin de l’entretien : 17h28.
J’ai descendu les escaliers d’un air absent. J’avais remué beaucoup de mon passé pour rien.
J’étais déçue.Mais pas autant que je l’aurais imaginé. J’ai trouvé ça idiot.
Mais s’il y a une chose que je retenais c’est que mon blog pouvait intéresser.
J’ai longé l’Avenue des Champs-Elysées avec l’envie de n’appeler personne.
Juste entendre le bruit de mes talons dans le brouhaha de la foule et de mes souvenirs.
Ludivine
janvier 26, 2012c’est drôle cet article car je viens de voir la bande annonce de « ma première fois » ( http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19258205&cfilm=183161.html ) et j’ai pensé que c’était tiré de ton histoire (romancé bien sur car tu n’a pas l’air aussi coincée que l’héroïne !). Enfin bref je profite de ce commentaire pour te dire que j’aime beaucoup ton blog. Bonne continuation, et sache que je pense sincèrement que le nombre de commentaire est bien inférieur au nombre de gens qui suivent ton blog avec intérêt! (la preuve je commenta pour la première fois alors que j’ai du passer au moins 5 heures à lire ton blog!!)