Me balader avec lui à Paris c’est rentrer dans un vieux tableau. C’est devenir un véritable cliché et l’assumer.
Notre couple mixte déambule dans les rues pavées de Saint Michel. Main dans la main, avec l’impression d’être unique au monde et d’appartenir aux milliers d’autres amoureux que le soleil réchauffe.
On se sourit et je lui raconte une blague. Je blague pour le voir sourire. Pour qu’il me réponde et qu’il me fasse rire à son tour. Pour que j’oublie qu’il y a trois jours, je suis rentré chez moi et que ma télé avait disparu et que les clés de Mr Ananas étaient dans la boite aux lettres.
Pour que j’oublie la discussion qui s’en est suivi au cours de laquelle Mr Ananas me criait sa peine.
Cette peine qu’il me jette au visage de façon toujours plus violente. Il appelle mes amis pour leur demander de mes nouvelles et me faire comprendre que je suis celle qui le fait souffrir.
Je ne réponds plus au téléphone parce que je ne veux plus avoir cette responsabilité, cette douleur de quelqu’un d’autre.
« Tu me fais mal, Cerise. Tu me tues.»
C’est ce qu’il m’a envoyé en début de semaine. Lorsque j’étais à une terrasse au soleil avec Mr Muscade. Le cocktail que je sirotais sembla avoir tourné. Mon sourire se figeait et je feignais d’écouter ce que Mr Muscade me disait.
Le soleil d’été, il fait du bien. Il masque.
Il masque la grisaille qui émane de moi en alternance.
Cette grisaille partagée entre culpabilité et désir profond d’être heureuse à mon tour.
Une rupture. Cette rupture. Toujours la même.
C’est peut être la plus difficile parce que je garde la face. Tout le temps et de tous temps. J’ai un autre homme avec qui être heureuse. Le bonheur, finalement, ce n’est pas toujours aussi simple.
Je pense qu’au fond, le bonheur c’est égoïste. On est heureux et on emmerde ceux qui ne le sont pas. Ne serait-ce qu’un instant. Pour être véritablement heureux.
Et puis la culpabilité revient. Comme si elle ne m’avait jamais quitté. Ai-je le droit d’être heureuse quand il ne l’est plus ? Ai-je le droit d’être heureuse alors que c’est ce bonheur, mon bonheur, qui le rend malheureux ?
Le plus dur ? La voix au fond dans ma tête qui survient au moment même où je suis bien.
Dans les bras de Mr Muscade, à une heure du matin après l’amour, les fenêtres de la chambre grandes ouvertes.
Devant la glace d’une cabine d’essayage quand une robe, une taille en dessous, me va à ravir.
Quand un fou-rire nous prend dans un magasin de comics.
Mon soupir sous la douche brûlante quand il me lave le dos avec un gant, son corps blotti contre le mien.
J’entends cette voix qui me crie au téléphone : « Cerise, je t’aime ! Donne-moi une petite chance. Je te décevrais pas. Je suis celui qui te rendra heureuse. ».
Je la met en boite. Je l’enfonce dans un recoin reculé de mon esprit. Je profite de mon bonheur. De ce à quoi j’ai droit en tentant de me convaincre que Mr Ananas finira par allez mieux.
Alors je me balade à Paris. Avec Mr Muscade.
J’obéis à cette loi de la nature et du cliché qui veut qu’un couple heureux à Paris se balade à pied en voyant le soleil de Mai décliner dans le ciel. Je marche. Je souris et ris sincèrement.
Je suis amoureuse de Mr Muscade et lui aussi.
Et Mr Ananas aussi. Ca lui passera. Espérons. Soyons égoiste. Pour une fois.
Pour l’instant, je suis au soleil, avec mon chéri… Et ma culpabilité.
Khap
juin 1, 2012« Je pense qu’au fond, le bonheur c’est égoïste. On est heureux et on emmerde ceux qui ne le sont pas. »
Ca, j’aime.
Ananas ira mieux. Tout le monde a été quitté, tout le monde a souffert, tout le monde s’en est remis. Nous naissons seuls et mourront seuls, voilà la vérité mère de toutes les autres. Entre temps, les gens vont et viennent dans nos existences.
Leur refuser cette mobilité, c’est leur refuser toute forme d’ambition, toute liberté, et au bout du compte toute grandeur.
Les hommes ne grandissent jamais autant que lorsqu’on les quitte.
tulipe
mai 31, 2012courage cerise ! je suis tout à fait d’accord avec toi .. être heureux c’est parfois faire preuve d’égoïsme. Mais c’est la vie , vis la tienne. Tout finit par passer.