J’avais repoussé la date à ce samedi fin d’après-midi. Monsieur Muscade m’avait embrassé avant que je parte et je lui avais promis de ne pas trop tarder.
J’ai clairement conscience que ce n’est pas facile pour lui. Mais il savait autant que moi, qu’au fond, j’en avais encore besoin.
Pas de voir Goyave, mais de régler des comptes avec moi-même.
Goyave m’avait donné rendez-vous au Regencia Hotel sur l’Avenue Marceau.
Ce n’est pas un hôtel où il avait ses habitudes et ce choix me surpris. Puis je me dis qu’il n’en était peut-être pas à l’origine.
17h. Pour une fois j’étais à l’heure.
L’intime et luxueuse devanture me faisait face. Mes mains étaient moites et froides mais je me forçais à être calme. Après tout, j’avais vécu bien pire.
Une femme frêle et souriante m’accueille à peine ai-je passé le hall d’entrée. Je souris faiblement et lui dit :
« J’ai rendez-vous avec… »
« Monsieur Goyave ? Il nous a prévenus de votre arrivée. C’est la suite 405. Au 4e étage. Les ascenseurs sont sur votre gauche. »
Elle me sourit de nouveau et me fait signe d’avancer droit devant moi et de tourner sur la gauche. Mes talons résonnaient sur le sol comme pour d’avantage me signifier que j’avançais vers lui. Je me doutais qu’il me ferait monter dans sa chambre. Il était comme ça. Rien ne changeait vraiment chez quelqu’un. Si le salon de l’hôtel ne lui convenait pas, il faisait en sorte que le salon dans sa chambre, lui convienne.
Mon stress accrut mais je ne me dégonflais pas. « Je suis grande et c’est ma décision » me dis-je comme pour me convaincre. Dans l’ascenseur, je jetais un coup d’œil au miroir pour replacer une mèche de cheveux et vérifier la tenue de mon mascara. Tout était impeccable.
L’habitable s’ouvre et j’avance dans le couloir. Il n’y a que 5 portes. La 405 est tout au fond. Comme avant. Je souris de m’en être douté et d’avoir eu raison.
Devant la porte, je respire profondément et souffle un bon coup. Je lève le bras. Et tape trois coups secs.
On y est.
J’entends des pas qui se rapprochent, la clé qui tourne et enfin la porte s’ouvre.
Il est là. Il me sourit. Il n’a pas changé.
Ses yeux noirs sont toujours aussi vifs et ourlés de ses longs cils. Sa taille impressionnante me domine toujours autant malgré mes talons.
« Cerise… »
Je souris. Il a l’air posé. C’était si rare.
« Goyave. »
Il me fait signe d’entrée dans la chambre. Un couloir donne sur un petit salon où des fauteuils luxueux entourent un canapé et une table basse.
J’entends la porte se refermée. Il n’y a aucun autre bruit dans la suite.
« Le Regencia… C’est nouveau. Le Ritz n’avait plus de chambres ? »
Il lâche un rire bref.
« J’avais presque oublié ton ironie… Tu es rayonnante. Tu veux boire quelque chose ? Daïquiri ? »
« Non, de l’eau ça ira pour moi. »
Il sourit, ouvre le minibar et me sert de l’eau.
Je me sens sur la défensive et extrêmement mal à l’aise. J’ai la sensation que c’est un piège.
« Tu m’as convoqué… Je suis là. »
Il pose le verre d’eau devant moi et s’assoit à son tour.
« Je ne t’ai pas convoqué Cerise… Je suis désolé que tu l’ais pris comme ça… Vraiment ce n’était pas mon intention. »
« Et quelle était ton intention ? »
« J’avais besoin de te revoir. »
Je soupire : « J’ai bien cru comprendre. »
« Pourquoi tu es si agressive ? On a changé, on a grandis. Je voulais te parler de quelque chose qui me tourne dans la tête depuis un long moment. Un peu plus d’un an… »
« Je t’écoute. »
« Tu m’en veux ? »
« Non, Goyave. J’ai passé ce stade-là. J’ai ma vie. Tu appartiens clairement à mon passé. Et lorsque je parviens à bien t’y ancrer tu t’évertues à réapparaître. C’est fatigant. Comme d’habitude. »
« Je te demande pardon. »
Silence de ma part. Il l’a presque murmuré. C’était pratiquement inaudible.
« Quoi ? »
« Je te demande pardon » répéta-t-il de manière plus affirmé, plongeant ses yeux dans les miens.
« Pardon de quoi… ? Tu n’as pas à t’excuser, je… »
« Non. Je t’ai demandé de venir pour te demander pardon. »
« Mais pardon de quoi ?! Tu… »
« Laisse-moi finir ! »
Je prends mon verre d’eau pour me donner de la contenance. Mes mains sont extrêmement froides. Je le sens et je me contrôle pour ne pas trembler.
« Je suis avec Lara à New York depuis plus d’un an. Je suis amoureux d’elle, je l’aime. C’est certainement la femme de ma vie. Oui. Mais lorsqu’elle a dit oui à ma demande en mariage, j’ai pensé à toi. Parce que toi, Cerise, tu as été l’amour de ma vie. »
Silence. Mon cerveau se vide.
« Et si je suis l’homme que je suis avec Lara aujourd’hui, c’est parce que j’ai vécu trois ans avec toi. J’ai repensé à tout ce que je t’avais fait subir, à tout ce que tu as traversé avec moi… Et je te demande pardon pour ça. Je ne pense pas pouvoir m’engager dans ma vie avec Lara si je ne te le disais pas. En face. Les yeux dans les yeux. »
« Pardon pour les nuits où je te laissais seule… Pardon pour les chantages… Pardon d’avoir cru que tu ne m’aimais que pour mon argent… Pardon pour les humiliations et les colères… Pardon pour les soirées sans fin, l’alcool et les autres trucs… Pardon pour tes 17 ans, tes 18 ans et tes 19 ans… Pardon de t’avoir poursuivi alors que tu tentais de refaire ta vie… Pardon pour aujourd’hui… Pardon pour tout. Vraiment. »
Un long silence s’étira après ses paroles.
Mon sang affluait à mes tempes et je sentais battre mon cœur dans tous les recoins de mon corps. J’étais figé. Figé par tout ça. Par les souvenirs qui remontaient et qui se cristallisaient en un lieu : cette chambre d’hôtel parisien.
Mon corps semblait fait de pierre. Je ne parvenais pas à bouger un seul membre. Je voyais son regard sur moi mais mes yeux restaient rivés à la table basse.
Il me demandait pardon.
J’avais imaginé tous les scénarios possibles et imaginables. Mais pas celui-là.
Pas cette longue tirade qui ne lui ressemble absolument pas. Pas ce ton calme et posé. Pas cet homme de 30 ans que je voyais en face de moi.
Je le regardais, toussota un bref instant et lâcha un « D’accord. ». Que pouvais-je dire d’autre ?
C’était tellement soudain. Il n’y a que ça qui sortit.
Le silence nous séparait de nouveau. Il le brisa.
« Toi… Tu vas bien ? »
« Oui… Pas autant que toi visiblement… Tu te maries. Wouah ! Félicitations ! »
J’étais sincère. Son mariage et ce qu’il venait de me dire fermait notre histoire pour toujours. Elle rentrait aux archives. Les archives des histoires d’amour qui auraient pu durer.
« Merci… »
« Je pense que je vais y aller… Je… »
Je ne savais plus ce que je faisais là. Tout cela avait assez duré. Je ne voulais qu’une chose, être à l’air libre. Sortir.
« Déjà… ? D’accord. Oui, je comprends… »
On se lève tous les deux et avançons vers la porte.
« Tu sais Goyave… Quand tu m’as écris, oui, ça m’a secoué. Mais de te voir là devant moi, je me rends compte combien j’étais jeune quand je t’aimais. Comme tu dis, c’était beau, c’était nous. Mais c’est fini. Et la rancœur que j’avais pour toi, a cessé depuis longtemps. On est heureux tous les deux, pas l’un avec l’autre, mais on est heureux. C’est l’essentiel. N’est-ce pas ? »
Il me sourit et acquiesce.
« Tu as raison. »
Je lui souris aussi. Il ouvre la porte :
« Je ne sais pas si ça se dit mais… Bon mariage ! »
Il me fait un clin d’œil.
« Merci Bonnie. »
J’éclate de rire et m’éloigne dans le couloir. J’entends la porte qui se referme.
J’entre dans l’ascenseur et soupire. Mon humeur oscille entre le rire et les larmes. C’est fini. Cet homme est mon passé. Définitivement. S’il devait m’offrir une dernière chose, il l’a fait : une porte de sortie. Parce qu’avouons-le, j’étais mentalement coincé dans notre histoire. Dans ce que nous avions été.
Je sors à l’air libre. Je vois cette grande avenue du Paris qui rimait avec Goyave.
Je prends mon téléphone et appelle Muscade. Il décroche :
« Tout va bien ? »
Je n’hésite pas un instant : « Oui. Tout va bien. »
Stella
février 19, 2013Il a fait quelquechose de très courageux et de très mur. Il a accepté de te laisser partir. Quelle belle fin, je suis ravie pour toi Cerise !
Et tu as toute la vie devant toi !!
Bisous et plein de bonheur avec Muscade
Bull'Elodie
février 17, 2013Ouf !
Je m’imaginais déjà plein de choses, je suis soulagée pour toi.
Cette rencontre c’est le début de ta nouvelle vie. La page est vraiment tournée et tu vas pouvoir être totalement heureuse avec Muscade =D
SmOuAcK dans ta bouille !
Mlle Cerise
février 19, 2013Oh si tu savais ! Je m’imaginais des trucs totalement délirant… Du genre qu’il voulait me demander MOI en mariage ou qu’il me demandait d’être son témoin ahah
Finalement c’est bien mieux comme ça.. Comme quoi, ils finissent par grandir ! (Autant que moi en fait!)
Maintenant il n’y a plus de nuages comme tu dis !
Bisous ma Elodie !
Cerise
Isa
février 17, 2013C’est une belle fin. Vraiment contente pour toi!
Mlle Cerise
février 19, 2013Comme tu dis, c’est une fin pas trop mal pour mon histoire tumultueuse avec Mr Goyave !
=)
Bisous,
Cerise
Charlotte L
février 17, 2013c’est chouette, j’attendais avec impatience ce récit, tant mieux pour toi 🙂
Mlle Cerise
février 19, 2013J’attendais cette rencontre avec tout autant d’impatience ! 🙂
Bisous Charlotte,
Cerise
audrey
février 17, 2013J’ai une petite pause dans mon chapitre de Sciences pour lire ta rencontre 🙂 . Alors je m’attendais pas du tout à des excuses non plus ! mais c’est très bien comme ça . Tu peux passer « vraiment » à autre chose , sans regretter d’avoir vécu cette histoire 🙂 . Je te fais de gros bisous Cerise <3 et je retourne travailler sur la respiration passionnant hein ?
Mlle Cerise
février 19, 2013La respiration…? Ca m’a l’air tout à fait passionnant en effet ! Comme je t’envie ! ahah
Comme tu dis, ces excuses sont très bien comme ça !
Merci ma belle pour ton commentaire !
Bisous,
Cerise
Tulipe
février 17, 2013Waaa je m’y attendais sans vraiment m’y attendre . Je n’ai envie que de te dire une chose : gros bisous ma cerise 🙂
Mlle Cerise
février 19, 2013Oui, c’est fini… Enfin n’est-ce pas? =)
Gros bisous Tulipe !
Cerise