J’ai pris un brunch il y a trois semaines avec Mlle Mandarine. Un dimanche midi comme tant d’autre.
Nous marchions dans le Paris amorphe et glacé à la recherche du restaurant que nous avions sélectionné.
J’étais heureuse de pouvoir me changer les idées avec mon amie car chaque fois que mon esprit s’égarait vers Mr Muscade mon moral s’éteignait un peu plus.
En rentrant dans le restaurant moderne et chaleureux à proximité des Invalides, mon téléphone vibra deux fois. Un message.
Nous nous asseyons confortablement tandis que le serveur au visage adorable nous tend la carte. Je sors mon téléphone et y jette un coup d’œil.
Mr Pamplemousse. « Hi Beauté ! Bon dimanche? »
Je pose mon téléphone sur la table et continue à discuter avec Mandarine qui avait du mal a se remettre de sa cuite de la veille.
Du bout des doigts, je réponds au texto :
« Brunch aux Invalides. Le genre qui redonne le sourire. Et toi? »
« Retour d’un déjeuner chez les grands parents. Tu sais que tu es à trois stations de chez moi? »
Je préfère ne même pas répondre. Le faire serait s’exposer volontairement à un problème supplémentaire.
Je range mon portable dans mon sac, je ne veux plus le lire.
Je savoure ce moment avec Mlle Mandarine, enfonçant le message de Mr Pamplemousse dans les recoins obscurs de mon cerveau.
On parle maquillage et manucure. On rigole en observant le groupe de beaux anglais à la table d’à côté.
Mandarine sort son téléphone pour regarder l’heure et par mimétisme, je fais pareil. Texto de Pamplemousse. « Je t’attends. »
Je souris malgré moi. Mais ce n’est pas un sourire de bonheur.
C’est de l’ironie envers moi même. Je me connais.
Plus c’est odieux et peu galant, plus ça clique dans une partie lointaine de mon cerveau.
Il me défie.
Je réponds hâtivement avec la sensation de faire une erreur.
Mais en même temps, je veux désamorcer ce qui est en train de se passer : se tourner autour indéfiniment.
« Je finis au restaurant et je te tiens au courant. »
J’en parle à Mandarine. Elle me répond « Je te connais Cerise. Tu ne tiendras pas. Ce genre de mec c’est définitivement ta kryptonite. Et toi tu t’exposes sciemment. Ahah ! Tu me raconteras ! »
J’ai l’impression que deux personnes vivent à l’intérieur de moi. Cerise qui ne s’attache pas et qui éprouve un plaisir viscéral à avoir plusieurs aventures en même temps et Cerise amoureuse désespérément de son Muscade qui accepte beaucoup de choses pour lui.
Et ce jour-là, les deux avaient creusé des tranchées dans mon esprit.
Presque deux heures plus tard, en sortant du restaurant, je réponds a Mr Pamplemousse : « Il y a un numéro d’interphone ? »
Métro.
Porte cochère.
Ascenseur jusqu’au dernier étage.
Porte de droite.
Je suspens mon poing quelques secondes. Pour me donner le temps de changer d’avis. Et je tape trois coups secs.
J’entends des pas derrière la porte. Il ouvre. C’est étrange, je savais que ce serait lui, mais l’espace d’un instant, j’ai voulu que ce soit Muscade qui ouvre la porte.
« Me voilà. »
« Superbe comme d’habitude. »
Je souris et rentre dans son appartement.
Le sol était un parquet blanc superbe et depuis le couloir de l’entrée, on voyait la baie vitrée du salon. La Tour Eiffel au trois quart.
Il me propose de retirer mes bottes devant sa chambre, ce que je fais immédiatement. Dans mes petites socquettes blanches, je visite son grand appartement.
Des tableaux, des couleurs, une bibliothèque rangée par collection…
Un très bel appartement. Beau mais pas séduisant. Beau mais froid. Presque calculé.
Un appartement qui ne vit pas.
Il termine la visite par sa chambre. Gris. Tout est gris. Les murs, les rideaux, les draps, les meubles.
Gris et noir.
Un mur entier est recouvert de contraventions de stationnement. Je m’interroge sur le sens de cette décoration.
On discute. Assis sur son lit à peine fait. Il parle beaucoup, j’entends sans vraiment écouter.
Je reste tout de même à distance.
Je ne joue pas mon rôle et je n’ai aucune envie de le faire.
Je le vois tenter des rapprochements parfois mais je ne particpe pas. Je fais celle qui ne saisis pas ses subtilités.
Je suis présente, gentille mais tout de même assez froide. Il ne risque rien. Et moi non plus.
Je ne me sens définitivement pas à ma place.
Je n’ai pas un sentiment de culpabilité par rapport à Muscade mais plutôt une certitude que je n’ai plus besoin de ça. Que même si parfois je le pense, je n’en ai plus besoin.
Mr Pamplemousse est séduisant mais je peux prévoir ses réactions ou ses paroles pratiquement au mot près. Et c’est ça qui m’amuse, plus que la situation elle-même.
Je le vois s’allonger sur le lit en me regardant.
Il lâche dans un soupir « Je me sens tellement crevé en ce moment. »
L’ancienne moi se serait approchée, lascive et l’aurait embrassé. Parce que c’est ce qu’il attend finalement. Mais non. C’est plus pour moi.
« Dans ce cas, je te laisse te reposer. »
Je me lève et sors de cette pièce grise pour enfiler mes bottes noires.
« Ça m’a fait plaisir de te voir Pamplemousse ! »
« Comme toujours pour moi. » dit-il assis sur le bord de son lit.
Je mets mon manteau et enroule ma pashmina autour de mon cou. Je me tourne vers lui qui est désormais debout devant moi. Je lui souris.
Il ouvre la porte.
Je sais qu’il espère un baiser. Qui n’aura pas lieu.
Dans l’ascenseur, je me regarde dans le miroir et me souris.
La semaine dernière, en sortant du travail, j’attendais mon métro à Denfert Rochereau. Mon attention est perturbée par la voix d’un homme qui hurlait au téléphone.
Celui-ci marchait d’un pas décidé vers la sortie en hurlant sans se soucier du monde alentour :
« Écoute-moi espèce de grosse pute ! J’ai aucune envie de parler avec toi ! Donc tu arrêtes de me harceler et de me casser les c** ! »
Il raccroche nerveusement et passe devant moi. C’était Monsieur Pamplemousse.
Il se fige en face de moi.
L’air confus et le souffle court, il me fait la bise :
« Bonjour… »
Je lui adresse un regard sarcastique et il se sent obligé de s’excuser. Mon métro entre sur le quai et je lui adresse un petit signe de la main « A un de ces jours ! »
Au fond de moi, je sais que ça ne sera jamais le cas.
Chassez le naturel, il revient au galop. Ce dernier est parfumé à la Muscade désormais…
Ces deux semaines de silence… Je m’en excuse.
J’ai traversé une petite séquence d’angoisse de la page blanche. Je n’arrivais plus à écrire sur quoi que ce soit. Même sur le moindre vernis.
Mr Muscade m’a réconforté et m’a dit que je n’avais aucune obligation d’écrire. Vous m’attendrez bien si j’ai du mal à être là. N’est-ce pas ?
Mais j’ai un ou deux articles en tête pour la semaine prochaine. Contente d’être revenue avec un vrai article.
- Ce que j’écoute en vous écrivant : Robin Thicke – Blurred Lines ft. T.I.& Pharrell
- Le restaurant dont je parle : Les Parisiennes – 17 Avenue de la Motte-Picquet, Paris 7e
Sandrine | Fraise Basilic
mars 30, 2013J’aime vraiment beaucoup ta plume (et de plus en plus tes décisions aussi !)
Finalement une bonne chose que de se confronter à ce qu’on pensait être la tentation et de se rendre compte que finalement elle n’est plus qu’une illusion. Des bisous
Mlle Cerise
mars 31, 2013Merci beaucoup Sandrine,
Je suis d’accord avec toi ! Je ne peux pas apprendre si je n’y suis pas confronté franchement au moins une fois ! C’est chose faite ! AHha!
Merci pour tes compliments sur mon écriture ! C’est vraiment très plaisant de le lire !
Bisous,
Cerise
Plume
mars 30, 2013Je te lis discrètement depuis plusieurs mois maintenant chère Cerise.
Ne te sens pas obligée d’écrire ! C’est comme cela que l’on perd l’inspiration. Certaines périodes sont plus propices à l’écriture que d’autres.
D’ailleurs, je dirais que l’on a retrouvé un peu de notre Cerise dans cet article. Pas dans les évènements, mais dans le style, dans le maniement des mots.
Courage.
Mlle Cerise
mars 31, 2013Oh ton commentaire me fait vraiment plaisir ! Merci beaucoup pour tes compliments sur mon écriture et je suis ravie de « revenir » petit à petit !
Tu as vraiment raison sur le fait que des périodes sont plus propices que d’autres et j’espère que mon inspiration ne s’envolera plus…
Merci de me lire depuis si longtemps !
Bisous, Cerise
Marion
mars 29, 2013Pareil pour moi! on attendra! ça ne doit pas devenir une obligation d’écrire et de nous faire partager des moments de vie mais un plaisir…courage à toi
Mlle Cerise
mars 31, 2013Marion !
Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je suis d’accord avec toi : ce n’est pas une obligation. Mais je me suis attachée à mes lecteurs donc je culpabilise parfois…
Bisous,
Cerise
audrey
mars 29, 2013Quelle question évidemment que l’on t’attend Cerise <3 . Je seras là même si tu écris pas d'article pendant 1 mois ou plus 🙂 . Au début de ton article , je me suis dit non ne vas chez mr pamplemousse et puis au final tu as bien fait d'y aller!
gros bisous <3
audrey
Mlle Cerise
avril 1, 2013Ahah ! Merci beaucoup Audrey !
Ton commentaire m’a redonné le sourire !
Bisous,
Cerise
Charlotte L
mars 29, 2013Oui on t’attend!! tu as l’air de passer par un moment difficile alors courage.
Mlle Cerise
mars 29, 2013Oui.
En ce moment, cest un peu la crise et cest pas facile du tout!
Mais je ne me noie pas et je me dis que mon moral reviendra avec le soleil !
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Bisous,
Cerise