6 semaines.
Nous nous étions donnés 6 semaines de vide (moins une soirée pour notre anniversaire).
Du vide pour remettre notre relation sur les rails.
Arrêter d’essayer de faire comprendre à l’autre son point de vue, alors qu’on a du mal à le comprendre soit même.
J’ai réfléchi. Il m’a dit que lui aussi.
Et nous nous sommes retrouvés vendredi 30 novembre au soir.
Le matin, je reçois un message de lui. Je m’attends un message enflammé en préparation de la nuit que nous allions passer.
Ce fut l’exact inverse.
« Cerise, je ne me sens pas bien du tout. Je suis malade. J’ai la nausée. »
Magnifique. Le destin s’acharne.
Une sombre envie de crier m’envahit.
Nous avions prévu d’aller à une expo, de dîner au restaurant et ensuite de rentrer chez moi où je me voyais déjà onduler sur lui.
Programme annulé.
Il n’était pas bien, en était le premier contrarié et tenait quand même à ce que l’on sorte.
Je n’avais plus trop envie. Et je ne voulais pas lui imposer cela.
Ce jour-là, je télé-travaillais (quelle merveilleuse invention!).
Donc j’ai pu ranger l’appartement et préparer une tisane pour apaiser son ventre.
Lorsqu’il sonne, je bondis littéralement jusqu’à la porte. Mon cœur battait la chamade comme une petite fille et mes mains étaient toutes moites.
Mes propres réactions m’agaçaient.
Mais je suis amoureuse. Je n’y peux plus rien.
Son sourire, ses cheveux bruns parfaits, ses yeux bleus et son corps élancé dans un sublime manteau noir.
Je fonds. Bêtement.
Il m’attrape par la taille et me sert contre lui. Je respire son cou et je sens que lui aussi fait de même.
« Tu sens bon… Tu as changé de parfum… »
En effet, depuis que je suis jeune, j’ai toujours mis Vanille de Molinor. C’est parfait quand on est adolescente. Mais ça manque de caractère passé 20 ans. Je m’y attachais. Mais je veux grandir à présent. Etre une grande.
Coco de Chanel.
Je souris contre lui. Contente de mon effet.
Je le regarde à nouveau. Dans l’entrée de mon appartement.
« Tu es beau. »
« Merci… Toi aussi… »
Le début de soirée s’est passé paisiblement. Il s’est allongé dans le canapé le temps que je finisse ce que je devais faire pour le travail. Il a ouvert sa box qui l’attendait depuis plus d’un mois à la maison. On a eu un fou-rire sur sa réaction devant le Masque à la boue de la Mer Morte.
On a dîné et il a fait la pâte à pancakes pour le lendemain.
Et nous nous sommes glissés dans mon lit avec une infusion pour regarder un film. Mais nous le suivions à peine. On avait toujours quelque chose à se raconter. On a éteint le PC et passés plus de temps que prévu dans la salle de bain.
Dans la pénombre de ma lampe de chevet, mes pieds emmêlés aux siens, je caressais son visage tandis qu’il me parlait de son meilleur ami.
Lorsqu’il eut fini, je lui murmurais :
« 6 semaines sans moi… Tu sais qu’il faut qu’on en discute… Ce que ça t’a apporté… »
« J’ai aucune envie d’en parler ce soir. »
Avant que je puisse émettre la moindre résistance, il m’embrassa en passant sa main sous ma nuisette en coton.
Le lendemain matin, c’est son corps qui se blottissait en cuillère derrière le mien qui me réveilla. Nous restâmes longtemps immobiles, l’un contre l’autre. Avec la certitude que la température hors de la couette était largement moins agréable.
Qu’est-ce qui vous tire du lit lorsque vous n’en avez absolument pas envie ? Une envie pipi pour moi. Une faim de loup pour lui.
Des réalités invisibles dans les films.
Entre les œufs brouillés et les pancakes, nous nous sommes motivés pour sortir l’après-midi. Sa nausée était passée. Autant en profiter.
Et il y a eu cette conversation qui a changé le cours du week-end.
« … Oui bah c’est comme dans le Seigneur des anneaux. »
« Que je n’ai jamais vu d’ailleurs. »
Il en lâcha son toast.
« Pardon ? »
« Oui… Je sais. Mais tout ce patafoin qu’on en a fait autour, ça m’en a dégoûtée… »
Il m’explique que ce film est génial, que moi qui adore cet univers d’héroic-fantasy j’aimerais forcément, qu’il fallait que je le vois…
Je n’ai pas été longue à convaincre.
Quelques heures plus tard, nous étions dans le métro.
Direction l’antre du diable.
J’ai nommé : Châtelet-les-Halles un samedi en période de fête.
Le coffret collector du Seigneur des Anneaux à la main, nous avons fait 35 minutes de queue à la FNAC.
Mr Muscade était au bord de l’explosion. C’est la personne la moins patiente que je connaisse. Une file d’attente et il est immédiatement révolté.
En sortant de là, je l’ai traîné (j’exagère, il est assez conciliant pour le shopping) chez H&M, KIKO et MAC.
Lorsque j’ai émis l’hypothèse d’un saut chez Séphora en sortant de la parapharmacie, le petit soupir qui précéda le « D’accord… » eut raison de moi.
Et j’avais faim aussi. Le brunch de ce matin, n’était plus qu’un souvenir.
« Un petit restaurant ? Ça te dit ? »
Je lui ai fait découvrir un restaurant thaïlandais dans le 13e que j’apprécie énormément. En rentrant quelques heures plus tard, il mit le DVD pendant que j’enfilais mon pyjama.
Le premier chapitre du Seigneur des Anneaux me captiva littéralement. La tête contre lui, je réagissais à chaque action, Je sais que ça l’amusait.
Nous nous endormîmes l’un contre l’autre. Sa main allant et venant lentement dans mon dos.
Dimanche matin, après un saut à la boulangerie, nous étions de nouveau face à la télé.
Un marathon « Seigneur des anneaux ».
Voilà ce que nous avons fait toute la journée de dimanche.
Tantôt dans mon lit avec mon PC, tantôt au salon dans le canapé.
Un yaourt pour lui, un pancake pour moi.
Une infusion pour moi, un chocolat chaud pour lui.
Jusqu’à ce que nous nous retrouvions dans le noir.
C’était le soir. Déjà. Il restait la seconde partie du troisième film. Mais je n’avais plus envie. La suite, une autre fois.
Dans la salle de bain, je me souvins que nous n’avions toujours pas parlé de ces six semaines…
Sous la couette, quand il se glisse à côté de moi, il tend la main pour éteindre la lumière. Je l’arrête :
« Muscade… On doit parler de ces six semaines… »
« Ce soir-là ? » lâcha-t-il dans un soupir.
« Oui, ce soir ! Vendredi, tu ne voulais pas. Maintenant non plus. On ne va pas faire comme si ça n’avait pas exister quand même ?! »
« Non… »
« … Alors… Tu as réfléchis durant ces six semaines ? »
« …. Oui bah oui… »
« Et… ? »
« Et… Je ne sais pas, Cerise. C’était bien. J’ai pu me retrouver tout ça… Mais j’ai toujours peur… »
Encore cette peur. Cette peur de je-ne-sais-quoi. Cette peur qui est arrivée sans prévenir. Cette chose qui l’empèche de se sentir bien à mes côtés. Cette chose qui l’éloigne de moi.
« Peur de quoi ? »
« … Je ne sais pas. »
Je retiens un soupir. Une envie de pleurer monte à mes yeux. Tout ça n’aurait donc servi à rien ?
« En même temps, Cerise, nous étions souvent en contact. Il ne se passait pas une journée sans une nouvelle de ta part. Il n’y a jamais vraiment eu ce silence dont tu parles. »
« Muscade, tu rejettes la faute sur moi ! Mais si je me souviens, tu étais le premier à rompre le silence. Tu m’exposais ta peine. Mais quand toi, ça a fini par se guérir, tu n’as plus compris que moi aussi je pouvais avoir besoin de toi. Et tu me l’envoies au visage aujourd’hui ! »
Silence. Des deux côtés.
Tout s’effondre. Un château de cartes.
Rien n’est réglé. Rien n’a évolué.
On continue à aller droit dans le mur.
Pour une raison que je ne maîtrise même pas.
« Tu me trouves dépendante de toi ? »
« Un peu… »
« Comment ça ? Comment tu le vois ? »
« Bah tu sais… Tu m’appelles pour ceci ou cela… »
« Ca s’appelle du quotidien Muscade ! Je ne te harcèle pas ! Je te mêle à mon quotidien ! Mais toi, tu deviens allergique à moi ! Tout ce qui est en rapport avec moi te crispe. Tu crois que je ne le vois pas ? »
Il ne répond pas.
« Si tu veux rompre dis le moi ! Je ne deviendrais pas folle à lier ou une loque en décomposition ! Arrête juste de rendre ça lent et difficile. Ne me fais pas te détester ! »
« Mais je ne veux pas rompre ! »
Je ne dis plus rien. J’éteins la lumière et lui tourne le dos.
Mon cœur bat la chamade. Mais ce n’est plus pour les mêmes raisons que vendredi lorsqu’il m’a prise dans ses bras.
Je me lève et vais à la salle de bain. Je verrouille la porte, m’assois sur le rebord de la baignoire et fonds en larmes.
Je refuse qu’il m’entende. Je me force à ne pas sangloter.
Encore de la douleur, de la frustration, de la fatigue.
L’impression de me battre pour rien. Contre quelque chose qui ne concerne que lui.
Il me sort de sa vie. Sans même s’en rendre compte. Je n’importe plus.
Après de longues minutes, je passe de l’eau fraîche sur mon visage. Je ne me regarde même pas dans le miroir.
En m’allongeant à côté de lui, mon corps se raidit. Au fond de moi, je sens de la peine et de la colère.
« Je me sens minable de te faire pleurer comme ça Cerise… Je suis désolé. »
« Je ne pleure pas. »
« Tu m’as manqué ces six semaines… » murmure-t-il une fêlure dans la voix.
C’est si loin de ce que j’ai ressenti pendant ces mêmes six semaines que je ne veux même pas lui répondre.
« Je t’aime. »
Mon corps se serre comme à chaque fois qu’il me le dit. Il est sincère, je le sais. C’est sans doute ça le pire.
« Moi aussi. »
Je sais qu’il ne va pas bien. Mais il ne veut pas réglé le problème en lui-même et rejette beaucoup de fautes sur moi. Je ne peux pas dormir. Mon cœur bat trop vite.
Je me lève, prends mon oreiller et sort de la chambre.
« Où est-ce que tu vas ? »
« Je ne peux pas dormir… Je vais regarder la télé. »
Je m’allonge dans le canapé. J’ai froid mais qu’importe. Je n’allume même pas la télé.
Je refuse que mon couple s’effondre. Mais je ne peux rien faire.
J’entends la porte de la chambre s’ouvrir. Il s’arrête face à moi.
« Viens Cerise… » murmure t’il en me tendant la main.
Je n’ai pas la force de dire non.
Je prends sa main, me lève et sur la pointe de mes pieds nus sur le sol de la cuisine, je me sers contre lui.
Juste avant de m’endormir, je lui dis :
« Je préfère dormir seule demain soir… ».
Je n’ai pas entendu sa réaction. Je sombrais déjà.
C’était dimanche soir. Cet article a évidemment une suite. A vendredi prochain !
- Ce que j’écoute en vous écrivant : Doug Hammer – Sunrise
Anonyme
décembre 9, 2012ça a l’air tellement dur. Hâte et peur pour la suite.
Quant à la musique, elle reflète parfaitement mon humeur. Merci pour ça, aussi.
Des bisous.
Mlle Cerise
décembre 16, 2012Merci pour ton commentaire…
Comme tu vois les choses s’arrangent un peu…
Bisous,
Cerise
Kimie
décembre 8, 2012Que c’est dur cette impression de ne pas se comprendre totalement, cette distance artificielle qu’il met entre vous. J’espère que tu as réussi à trouver la paix…
Courage en tout cas !
Unspoken
décembre 7, 2012C’est si bien écrit, on se croirait dans un roman. Mais c’est bien la réalité de deux personnes, la tienne et celle de celui que tu aimes. Ce n’est pas toujours évident les relations de couple. Nous avons des périodes parfois comme cela, difficile à vivre… parfois on a l’impression que dans tout ça l’autre rejette un peu trop la faute sur nous mais au final je vous souhaite que les choses s’arrangent 🙂
Courage!
Tulipe
décembre 7, 2012Cerise ,
Ton article m’a bouleversée ! Je suis dans les transports la larme à l’œil .. Il faudrait d’ailleurs que je me demande pourquoi ça m’a fait cet effet , ce n’est pas bien rationnel tout ça ! Ceci étant même si finalement nous ne nous « connaissons » pas , je me permets de te dire que je pense à toi .. Je me demande aussi quelque chose : il te reproche une certaine dépendance mais peut-être que c’est lui qui a peur de devenir dépendant ! Est ce qu’il a été déçu avant au point que tout ça le perturbe ?
Courage ma belle cerise . Je t’envoie des bisous!
Prends soin de toi et à vendredi .. Haha 🙂
Mlle Cerise
décembre 16, 2012Ma chère Tulipe,
Merci pour ton commentaire (même si j’y reponds 12 ans après…) !
Il m’a vraiment touché quand je l’ai lu… Et je suis d’accord avec toi ! Il a très peur de devenir dépendant.
Mais en effet, il a connu deux histoires très difficiles avec des filles qui l’ont vraiment blessé. Moi je récupère le paquet après coup ahah
Moi, j’y crois à notre histoire et je ferai tout pour qu’elle marche.
Prends soin de toi aussi !
Bisous,
Cerise