Vendredi soir, j’étais avec les Cocktails. Oui je les ai revus après cette fameuse soirée où elles m’ont prouvé leur amitié lorsque je m’étais faite blacklistée.
Lundi, en râpant des carottes pour mon nouveau régime crudité, je sursautai lorsque la sonnerie de mon portable retentit.
Grenadelle.
Tiens donc.
« Allô Cerise ? Tu vas bien ? Ecoute, j’ai appris que tu n’étais plus blacklistée et je me suis dit que tu allais donc beaucoup mieux. Je ne trouvais pas que tu avais la pêche la dernière fois que je t’ai vu… »
« Tu veux dire le jour où vous m’avez lâché devant le White Room pour apparaître sur les photos Facebook le lendemain ? »
« Physalis m’avait bien dit que tu n’apprécierais pas mon appel mais tu vois moi, je t’aimais bien. Même carrément beaucoup….avant toutes ces histoires. »
« Qu’est ce que tu veux au juste Grenadelle ? »
« Wou ! Tant d’agressivité dans ta voix ! Toi, tu n’as visiblement pas baisé depuis un moment ! Ça s’entend ! »
Elle poursuivit avant même que je puisse ajouter un mot.
« Avec les filles, on voulait aller à l’expo Bulgari vendredi. Ça te dirat ? On va manger grignoter un truc au Publicis après ? »
« Tu sais… »
« J’ai mes nouvelles Louboutin à te montrer et Physalis ne te le diras pas mais elle veut te montrer son nouvel Adjani Orange qu’elle a réussi à trouver pour finir sa collection ! »
Ce milieu m’attirait de nouveau, j’avais envie d’y retourner c’est vrai mais ma nouvelle vie ne colle plus avec tout ça ! L’envie de céder après tant de mois sans soirées de folies faites de rêves et de paillettes me manque un peu.
J’accepte !
Et puis ce n’est pas tant la soirée: l’expo Bulgari m’avait toujours attiré ses dernières semaines mais je n’avais jamais eu le temps d’y aller.
Je marmonne :
« Le orange est complètement out cet hiver ! »
Un hurlement de joie strident perce l’écouteur de mon portable.
« Je savais que t’accepterai ! Tu as toujours ta jupe Marc Jacob fleuri là ? Tu la mets pour moi ? Tu te rappelle comment tu étais sexy dedans à Deauville il y a 2 ans ? »
« Oh d’accord ! J’ai acheté un trench jaune terrible qu’il faut que je te montre. »
« Moutarde ? »
« Poussin ! »
« Canon ! Tu m’as manqué Salope ! »
Éclats de rire de ma part. Je me reconnais il y a quelques années : lycéenne, copain friqué, cheveux extra lissé, copines et alcools !
On raccroche et je soupire en mangeant mes carottes. Pourquoi pas !
Vendredi, je suis allé en cours avec les vêtements que je mettrais le soir pour les retrouver sur Paris. Jeudi soir, on s’était rendu compte que l’expo finissait Mercredi donc nous avons changé pour Brune Blonde.
Je sors du métro avec trente minutes de retard. Je suis censé rejoindre Grenadelle chez elle avant d’aller ensuite chercher les filles puis nous irons avec son chauffeur au Grand Palais.
Je reprends mes marques avec l’Avenue Victor Hugo que j’ai traversé des nombreuses fois avec plus au moins d’alcool dans le sang. Je sonne et m’annonce, la porte s’ouvre. Je tombe sur une cours qui s’illumine immédiatement. J’y prête à peine attention. Porte encore et je rentre.
La « nounou » de Grenadelle s’arrête devant moi. Elle se charge un peu de tout ce qui concerne la maison. Elle est plus âgée et un peu plus sévère. Elle me prend les mains et me les serre très fort avec un grand sourire. La plus grande marque d’affection de sa part, je crois.
« Mlle Cerise ! Voici un moment que nous ne vous avions plus vu… »
« Oui. Comme quoi, la vie… Ca va et ça vient. »
« Je vous appelle Mlle Grenadelle ou vous vous souvenez du chemin ? »
« Mémoire photographique vous avez oublié ? » Dis-je en montant les escaliers.
Arrivée dans son couloir, je lance :
« Où est la plus belle brune de Paris ? »
La porte du fond s’ouvre et je vois Grenadelle. Ses longs cheveux noirs de brésilienne lui encadrent le visage et ses yeux noirs me sourient. Elle est jolie. Rien n’a changé. Même mes réactions actuelles se recollent sur mes anciennes réactions.
« Toujours aussi canon Cerise ! Même avec tes petits kilos en trop ! »
« Je t’emmerde ! »
Je rentre dans sa chambre après lui avoir fait la bise. Toujours aussi grande et carrée même si, face à la porte les murs sont un peu incurvés à cause du dressing qui est la pièce de derrière.
C’est un mélange de tons crème et verts. Un grand lit à baldaquin datant de son époque petite fille qui donne un petit cachet à la pièce. Ça contraste bien avec le sol en carreau écrus brillant dans lesquels passent des sortes de filets de peinture verte.
Il y a une cheminé mais je ne pense pas qu’elle lui a déjà servie.
Une bibliothèque en verre et une chaîne hi-fi relié à des enceintes Bang et Olufsen.
A droite de la porte, il y a un petit salon qui comporte trois sièges, un tapis et une petite table basse. Je pose mon sac sur un des sièges et me retourne vers elle.
Elle me tend un verre de champagne et me tire vers son dressing.
Elle me raconte tous les derniers potins (Qui est en Centre de Desintox, qui a couché avec qui, qui a frappé qui, qui sort avec qui, qui a vomi dans le carré VIP de la Maison Blanche, qui a oublier son portable dans la Porsche de qui, qui, qui, qui…)
Je rigole parce que ça me fait vraiment rire.
J’ai besoin de ça.
De futilité, de champagne.
D’avant.
Que des marques, que des dernières collections mais elle me les montre avec un tel bonheur. Je pense que je lui ai manqué aussi. Elle ne me le dit pas mais je la connais par cœur.
Du moins, je l’a connaissais mais elle a beaucoup moins changé que moi en deux ans.
« Bon, on la prend cette voiture ? Parce que l’expo finit dans 40 minutes ! On ne va rien voir ! »
« Physalis et Rudbeckie m’ont envoyé un BBM pour annuler. On va juste au Publicis ? Après, il y a une soirée au Sens. »
« Ok pour le Publicis mais la soirée ça me dit rien. Et puis je n’ai pas de fringues. »
« Et tout ça ? » me dit-elle en me montrant son dressing.
« Arrête. Mon chéri m’attend pour dormir. »
« Owwhhh !! Ta un copain et je ne savais pas !! Bon tu me déballes rien et tu nous dis tout tout à l’heure ! »
On a pris un taxi parce que son père avait finalement besoin de la voiture. Elle a fait une crise terrible mais on bien prit le taxi finalement.
Devant le Publicis, il y a bien Physalis, grande blonde avec un visage de bébé et Rudbeckie, grande philippine aux cheveux noirs et lisses. Toutes les deux ont l’air très hautain avec leurs talons et leurs Blackberry à la main. Mais lorsqu’elles me voient, elles me sourient autant que moi. C’est-à-dire pas tant que ça.
Dans le Publicis :
« Bon tu nous racontes tout ce qu’on a manqué depuis tous ces mois ! »
« Du genre « C’est qui ton mec ? ». »
« Ahahaha ! C’est quoi cette question « C’est qui ton mec ? » ?! »
« Amande, c’est le fils d’un grand chocolatier qui s’est lancé dans la joaillerie ; Goyave… Bah c’est Goyave. Celui que tout le monde voulait. »
« Pourquoi tout le monde le voulait ? » demande Rudbeckie.
« Euh… Portefeuille extra-rempli, trois boutiques de vêtements en France, des Hôtels et des bateaux dans le monde, 6 cartes bancaires, une dizaine de voiture, des chambres d’hôtels réservées à l’année et autres… Ce n’est pas une raison suffisante à tes yeux. »
« On parle de mon ex là, les filles ! »
« Donc c’est qui ton mec ? »
« Un…coach de foot. »
Une exclamation des trois :
« Oh… »
On boit toutes une gorgée de nos cocktails et Physalis me lance :
« Coach à la FFF… ? »
« Non. Mais je suis heureuse avec lui pour une fois. »
« Un coach juste coach ? »
« Je suis heureuse les filles ! »
« Ouais c’est l’essentiel… »
On change de sujet mais j’ai jeté un froid.
Elles ne voient plus l’intérêt d’être avec moi. Tout n’est qu’intérêt. Je vois cette soirée comme une sorte d’adieu. Mais de ma part.
Je pense que j’avais besoin de cela pour me dire que c’est bien fini cette époque aux coupes de champagnes à cent euros.
Elles me proposent d’aller en boite avec elles. Je crois qu’elles ont envie de retrouver cette Cerise qui mettait l’ambiance en boite et sortait avec un mec recherché par toutes les filles faciles de Paris.
Cette Cerise qui ne se souciait pas du lendemain mais qui réussissait sa prépa quand même.
La Cerise qui était malheureuse mais qui ne le savait même pas.
Elle vous manque cette Cerise ? Mes articles étaient sans doute plus intéressants mais vous voyez, ma vie de vieille étudiante fatiguée, me plait. Me plait beaucoup.
J’ai quitté le Publicis avec elles mais je n’ai pas pris le même taxi. Grenadelle a insisté pour qu’on se fasse un Japonais dans quelques jours (je pense qu’elle a besoin de se confier) mais les deux autres non.
Elles m’ont fait la bise, m’ont dit le traditionnel « On se voit bientôt Cerise ok ? ».
Mais c’était traditionnel.
Un peu comme le « Cordialement » à la fin des mails professionnels.
J’ai pris le taxi jusqu’à Bibliothèque François Mitterrand puis j’ai pris mon RER.
Je suis rentrée dans mon petit appartement que j’ai moi-même décoré et j’ai vu Ananas, mon copain coach de foot pour enfants, faisant la vaisselle un Samedi Soir.
Une délicieuse banalité.
« Alors cette soirée ? »
« Ça fait du bien. »
Il m’a regardé, je lui ai sourit et il m’a donné un petit bisou rapide sur la bouche.
« Tu lave et j’essuie ? »
« Alors on regarde un épisode de Grey’s Anatomy après ? »
« Si tu veux. J’ai acheté des compotes de pommes… »
J’ai rigolé.
Oui, presqu’un an après, je peux le dire : J’aime cette vie.
dada
avril 12, 2016Magnifique